Depuis 2018, la conduite des voitures radars est progressivement confiée à des prestataires privés, sous l'étroite surveillance de l'Etat.
Après la Normandie, cette nouvelle technique de contrôle sera étendue à trois nouvelles régions dès le mois de janvier puis encore à quatre autres à la fin de l'année prochaine.
Annoncé lors du Comité Interministériel à la Sécurité Routière d'octobre 2015, la décision de déléguer la conduite de voitures équipées de radars à des opérateurs privé a tout de suite été remise en cause sur des soupçons d'illégalité des marchés publics et des contrôles.
Mais aujourd'hui, après plusieurs recours de l'Association 40 Millions d'Automobilistes, le Conseil d'Etat a confirmé la légalité de la procédure en rejetant tous les points attaqués.
Le prêt illicite de main d'oeuvre
Dès le mois de novembre 2017, nous avions déjà fait remarquer que le marché public confiant la conduite des voitures radars de Normandie à une entreprise, s'apparentait à un prêt de main d'oeuvre à but lucratif strictement interdit par l'article L8241-1 du code du Travail.
Il semblait effectivement en retenir toutes les conditions puisqu'il est clair que les véhicules radars sont la propriété du donneur d'ordre (l'Etat, ndlr), que le prestataire ne met pas en oeuvre une technicité spécifique ou une compétence particulière pour réaliser la prestation ou encore que la rémunération du prestataire n'est pas forfaitaire mais bien en fonction du nombre de kilomètres parcourus.
Mais c'est sur le dernier point, qui concerne le lien de subordination entre les salariés et donneur d'ordre, que c'est basé le Conseil d'Etat pour rejeter l'illégalité du marché public.
Dans sa décision 419367, il précise en effet les contrats passés "ont pour objet de confier à des entreprises privées une prestation consistant à organiser la circulation de véhicules appartenant à l'administration, dans le cadre d'un cahier des charges défini par celle-ci et sous la seule responsabilité de l'encadrement des sociétés prestataires, et non de mettre à la disposition de l'Etat des personnels qui seraient placés sous l'autorité hiérarchique directe des services de police et de gendarmerie".
Une décision qui peut être surprenante quand on lit le communiqué de presse de la Sécurité Routière du 20 février 2017 ainsi que l'intégralité de la décision du Conseil d'Etat puisqu'il est clairement fait mention, et à plusieurs reprises, du lien de subordination directe entre les entreprises prestataires et l'Etat. En effet, il est bien indiqué que les salariés des entreprises prestataires doivent effectuer leur mission en respectant les trajets et les plages horaires de contrôle définis par les services de l'Etat...
Le navigateur GPS avec le parcours que doit suivre le chauffeur
Déléguer des missions de police
Sans surprise, le Conseil d'Etat a également confirmé que les modalités de mise en oeuvre des contrôles radars effectués avec les voitures radars privatisées "n'ont ni pour objet, ni pour effet de déléguer des missions de police aux prestataires privés" car le système de contrôle qui est désormais entièrement automatisé, "ne vise pas à leur permettre de rassembler les preuves d'infractions pénales ni d'en rechercher les auteurs et se bornent à leur déléguer l'exécution de tâches matérielles concourant aux missions de police judiciaire".
D'autres points également rejetés
Dans sa requête devant le Conseil d'Etat, l'Association 40 Millions d'Automobilistes avait également soulevé de nombreux autres points qui ont tous été rejetés.
Par exemple, permettre à des salariés du privé de conduire une voiture radar ne vise pas "à leur confier l'exercice d'une activité privée de sécurité au sens de l'article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure".
Ou encore que "le principe de la délégation de la conduite de voitures équipées de radars à des entreprises privées au niveau national, n'a pas affecté par elle-même, en l'absence de définition suffisante des modalités de mise en oeuvre de cette mesure, l'organisation et le fonctionnement des services de police et de gendarmerie" et que par suite, l'administration n'était pas tenue de consulter les services techniques concernés.
Suite à toutes ces décisions favorables, le ministère de l'Intérieur peut dès lors s'enorgueillir "d'une collaboration efficace entre direction juridique et direction opérationnelle" qui a permis "que le système mis en place soit conforme aux exigences constitutionnelles et au principe de légalité".
Publié le 03 décembre 2019