Alors que les voitures radars encore aux mains de forces de l'ordre ne se privent pas pour distribuer des PV dans les traversées de villes, ce n'est pas du tout le cas pour celles qui sont privatisées. Ces dernières n'effectuent aucun contrôle en agglomération!
On s'en doutait à la lecture du rapport de l'ONISR publié en septembre dernier. On en a la confirmation avec le fichier qui contient l'ensemble des contrôles effectués par les voitures radars au cours de l'année 2021 que la Sécurité routière a publié il y a quelques semaines.
Pas de flashs en ville
Lorsque l'on regarde la carte de répartition des points de contrôles, on remarque très rapidement que les voitures radars privatisées ne parcourent pas du tout les rues des grandes villes.
Premier exemple à Nantes où l'on constate que les voitures radars ne s'aventurent pas à l'intérieur du périphérique. Un périphérique qui est d'ailleurs lui-même très peu contrôlé.
Carte des points de contrôles autour de Nantes
Second exemple dans une ville comme Le Mans. On voit très bien qu'il y a des contrôles sur tous les axes principaux qui rayonnent autour de la préfecture de la Sarthe mais que toute la ville à l'intérieur des boulevards périphériques est totalement épargnée.
Carte des points de contrôles autour de Le Mans
Pas de flashs dans les traversées d'agglomérations
Plus surprenant encore, les grandes villes ne sont pas les seules à être exemptes de flashs. Il en va de même dans les petites agglomérations situées sur les axes contrôlés, mais pas pour la même raison.
Dans ce cas de figure, on constate que les voitures radars traversent bien les villes et villages situés sur leur parcours et que des contrôles sont bien effectués. Mais cela n'entraîne pas de verbalisation puisque le radar n'est pas calibré à la bonne vitesse pour enregistrer les infractions en zone 50!
Voici par exemple la traversée de la ville de Saint-Léonard-de-Noblat dans la Haute-Vienne.
Carte des points de contrôles à Saint-Léonard-de-Noblat
On constate que plus de mille mesures ont été effectuées tout le long de la route départementale 941 qui traverse l'agglomération. Mais quand on y regarde de plus près, on constate qu'à chaque fois, la limitation de vitesse retenue par le radar n'était pas le 50 km/h mais le 90 km/h, c'est-à-dire la limitation de vitesse fixée sur cette route départementale en dehors des agglomérations...
Et la situation se répète dans toutes les traversées d'agglomération. Autre exemple dans un petit village comme Arsonval dans l'Aube. Là encore, les voitures radars ont traversé le village plusieurs fois mais en laissant le radar calibré sur le 80 km/h en vigueur sur le reste de la D619 en 2021.
Carte des points de contrôles à Arsonval
En 2021, il n'y avait qu'un seul endroit en France où l'on pouvait être contrôlé à 50 km/h sur un axe limité à 50 km/h. C'était dans la traversée du hameau Le Mesnil sur la commune de Tracy-Bocage (14). Les voitures radars ont parcouru au moins 96 fois cette portion de route au cours de l'année en croisant 148 véhicules dont 92 étaient en excès de vitesse!
Carte des points de contrôles au hameau du Mesnil
Pourquoi cette absence de contrôles?
L'absence de contrôles des voitures radars privatisées dans les grandes agglomérations semble être une volonté de la part de la Sécurité routière. En effet, techniquement, le radar installé dans les voitures est bien homologué pour flasher lorsque la limitation de vitesse est de 50 km/h.
Pourtant, cela pourrait également être un problème réglementaire car il y a tout de même une contrainte dans le document d'homologation du Gatso Millia. En effet, lorsque le radar est paramétré pour flasher à 50 km/h et que la route contrôlée comporte plusieurs voies de circulation, la voiture radar doit être positionnée de manière à contrôler uniquement la voie limitrophe située à sa gauche.
Mais cette contrainte ne pose pas de problème la plupart du temps. En reprenant notre exemple d'Arsonval, on constate que la route qui traverse le village est une axe bidirectionnel classique avec une seule voie dans chaque sens de circulation donc contrôlable sans restriction.
Il peut par contre en aller différemment dans les grandes villes avec des grands axes comportant plus de deux voies dans le même sens ou qui disposent de plusieurs voies dans les deux sens sans séparateur central même si cela se fait de plus en plus rare avec la multiplication des voies de bus, des pistes cyclables, etc.
Dans les traversées de petites agglomération, il pourrait plutôt s'agir d'un problème technique spécifique à ces voitures radars privatisées. Alors que ces véhicules disposent d'un capteur GPS spécifique mais également de caméras sur les plages avant et arrière pour lire les panneaux de limitation de vitesse, ces voitures ne semblent difficilement capables de prendre en compte des changements de limitations de vitesse sur leur parcours. Mais cette explication semble incompatible avec ce que l'on constate dans l'exemple cité plus haut à Tracy-Bocage (14). A cet endroit, cela semble très bien fonctionner avec au cours d'un même contrôle, un radar qui est immédiatement paramétré de 80 à 50 km/h une fois le panneau de signalisation franchi et inversement à la sortie de la zone.
Les deux caméras sur la plage arrière
D'ailleurs, on constate qu'il en va de même dans les zones limitées à 70 km/h (même lorsqu'elles sont très courte, avant un rond-point par exemple) où le radar est bien configuré à la nouvelle vitesse une fois le panneau franchi. Par contre pour cette limitation de vitesse ce n'est pas vrai partout avec certaines zones 70 oubliées et d'autres contrôlées de façon erratique! Par exemple, sur la commune de Petitville (14), la D513 qui est limitée à 70 km/h de part et d'autre du radar tourelle de Bavent est contrôlée avec un radar calibré parfois à 70, parfois à 90. Idem dans la traversée du hameau de La Ville-Neuve à Gurunhuel (22), de la D923 à Amilly (28) et certainement à de nombreux autres endroits.
Toutes ces incohérences posent beaucoup de questions sur le fonctionnement, voire sur la fiabilité de ces voitures radars privatisées...
Nous attendons avec impatience la publication des données relatives à l'année 2022 pour vérifier l'évolution de la situation.
Publié le 17 janvier 2023