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Le journal l'Express vient de publier une enquête sur le Centre National de Traitement (CNT) de Rennes chargé du Contrôle Sanction Automatisé mais aussi du traitement des PV électroniques. La société de service informatique ATOS est particulièrement visée notamment dans un rapport confidentiel de l'Inspection générale de l'administration (IGA) de mars 2014.
Replaçons les choses dans leur contexte. Lors de l'apparition des premiers radars automatiques en 2003, il fallait un centre de gestion pour recevoir les photos prises par les radars mais également gérer l'édition des PV, leur envoi, etc. L'attribution de ce marché public dénommé "CNT0" a été pour la société ATOS et le premier Centre National de Traitement fut inauguré à Lille. Avec la perspective de multiplication des radars automatiques, un nouveau marché public dénommé CNT1 a de nouveau été attribué à la société ATOS pour la période 2004-2007. Cette fois, il fallait faire évoluer les systèmes informatiques mais aussi déplacer le CNT dans ces nouveaux locaux à Rennes. Le transfert a été officialisé par un décret publié dans le Journal officiel en octobre 2004.
A la fin du deuxième marché public, il a fallu le renouveler (CNT2) pour encore quatre années de 2008 à 2011. Encore une fois, c'est ATOS et sa filiale Worldline qui ont été retenu. Idem en 2011, ATOS a une nouvelle fois obtenu le marche public CNT3 sans avoir à lutter puisqu'elle était la seule candidate.
Selon le rapport confidentiel que L'Express s'est procuré, ATOS "profite d'une rente de situation pour pratiquer des prix élevés" et l'Agence Nationale de Traitement Automatisés des Infractions (ANTAI) qui gère le CNT se trouve "plus qu'en situation de dépendance à l'égard de son fournisseur", elle en est "captive".
La liste des dysfonctionnements répertoriés dans le rapport de l'IGA est édifiante. Il y figure d'abord que, depuis 2003 et l'installation des premiers radars automatiques, Atos a bénéficié de faveurs disproportionnées dans l'obtention des marchés publics cités plus haut. De fait, déplorent les inspecteurs de l'IGA, les conditions de passation de ces marchés ne permettaient pas de faire jouer la concurrence: les délais pour la remise des devis étaient trop courts pour permettre à de nouveaux venus de se déclarer, les prestations à fournir trop variées et nombreuses.
Il faut dire qu'en plus des services informatiques, la SSII est, sous prétexte d'efficacité, chargé de l'entretien des bâtiments, de la restauration des personnels, de l'impression, de la mise sous pli et de l'affranchissement des contraventions et autres documents. Bien sûr, toutes ces autres activités sont sous-traitées mais ATOS prend au passage une marge de 7%. Elle a également en charge le pilotage du projet pour un montant annuel de 8 millions d'euros!
Et encore, entre 2004 et 2012, les locaux du CNT à Rennes étaient loués par ATOS, ils étaient donc sous-loués et refacturés à l'ANTAI en prenant, là encore, une petite commission au passage évaluée à 230 000 euros par an le rapport de l'IGA mais estimée à près de 500 000 euros par l'Express!
Mais ce n'est pas fini, pour les deux derniers marché public CNT2 et CNT3, les coûts ont explosé. Pour le premier, la facture est "supérieure de plus de 40% à ce qui était initialement prévu", elle dépasse 330 millions d'euros sur quatre ans. Idem pour CNT3 qui se terminera fin 2015, il devait coûter 247 millions d'euros mais la facture devrait plutôt avoisinée les 400 millions d'euros!
Les inspecteurs de l'IGA se demandent si cette situation ne résulte pas "d'une entente entre des entreprises qui se répartiraient des marchés publics", voire "d'un favoritisme qui laisserait craindre corruption, concussion, prévarication". Certains faits sont effectivement troublants. Par exemple, ATOS a encore été favorisé lorsqu'il a fallu mettre en place le développement du PV électronique dont le marché public a été intégré au CNT2. Une intégration "regrettable" aux yeux de l'IGA, qui considère qu'elle "aurait dû faire l'objet d'un lot spécifique" pour ne pas davantage privilégier Atos et permettre à la concurrence de s'exprimer pleinement. L'IGA se demandant "si ceci a relevé d'une volonté délibérée [...] ou d'une commodité (continuer d'avoir un interlocuteur unique)".
Et là encore, la facture est salée. Officiellement ce développement a été facturé 12 millions d'euros selon les informations fournies par l'ANTAI. Pourtant, d'après des experts en développement informatique, un logiciel de ce type est "très simple et peu coûteux" puisqu'ils évoquent un coût réel de développement de seulement 1 million d'euros!!
Le marché CNT sera renouvelé en fin d'année, ce qui permettra peut-être d'assainir la situation. Découpé en plusieurs offres, il devrait être enfin ouvert à la concurrence. Plusieurs groupes, comme Capgemini, IBM et Thales se sont d'ores et déjà portés candidats. Rendue publique, l'enquête de l'IGA ne tombe pas au meilleur moment pour ATOS, qui reste toutefois un postulant sérieux même si d'après des indiscrétions recueillies par AutoPlus, le mot d'ordre pour ce nouveau marché public serait "Tout sauf ATOS"!!!
Par contre, même si une clause contractuelle de réversibilité est incluse dans les marchés public CNT, si ATOS n'est effectivement pas reconduit, le transfert des données et des compétences actuellement gérées par la société informatique, au profit d'un nouveau contractant risque de ne pas se faire sans heurts. Il n'y a qu'à voir ce qui s'est passé lorsque le marché public de maintenance des radars automatiques est passé de la société SPIE à SATELEC. Le temps que tout rentre dans l'ordre, cela a entrainé une baisse du nombre de flashs de plus de 10% sur l'année 2013!